Jacques Marcon, de la forêt aux champignons

31 janvier 2019 écrit par Stéphanie Bonnet

Crédit photos : Luc Olivier pour le portrait & Laurence Barruel pour les champignons

Il assure la relève de la 3ème génération de cuisiniers dans la famille Marcon avec passion et conviction, son territoire et ses richesses chevillés au corps. Le chef Jacques Marcon a eu la gentillesse de nous accorder un peu de son temps. Il évoque avec nous, les forêts qui l’entourent à Saint-Bonnet-le-Froid et bien sûr les champignons qu’on y trouve, élément incontournable de la cuisine Marcon.

Un invité de marque pour notre série spéciale "Recettes forestières"

La forêt à Saint-Bonnet-le-Froid est omniprésente, quel est votre rapport avec cet élément ?

Il peut sembler banal de le rappeler, mais la forêt c’est l’essence de la nature, l’endroit où tout commence, bien avant l’homme. Saint-Bonnet-Le-Froid n’était que forêt avant l’intervention humaine. Pour moi, la forêt représente la base de la vie et recèle un écosystème à préserver impérativement. En absorbant le gaz carbonique tout en fournissant une multitude de richesses, la forêt est généreuse. Mais la main de l’homme et de nombreux parasites comme certains insectes la menacent et c’est à nous de préserver ce lieu de vie. Elle est beaucoup trop envisagée à court terme malheureusement.

J’aime cette image du druide Gaulois qui sait utiliser les richesses de la forêt sans en abuser. On se doit de la préserver.

Quel est votre plus beau souvenir en forêt ?

Bien sûr, il ya a les souvenirs d’enfance qui remontent et les promenades en famille, les belles balades en vélo mais je dois dire que ce sont mes amis mycologues qui m’ont appris à connaître la forêt. Dans les forêts primaires ou celles qui ont été replantées dans un souci de développement durable, on découvre un écosystème vraiment exceptionnel car protégé. On y trouve la vie tout simplement.

Je ne me rendais pas compte de tout cela lorsque j’y pratiquais du sport.

Je viens d’acheter du terrain sur lequel j’aime y retrouver mes merisiers, mes châtaigniers ou bien encore mes noyers sauvages, la forêt y est vivante et dynamique.

Je crois vraiment en la force que dégage un arbre et dans laquelle l’homme peut se ressourcer.

Mon regard est parfois inquiet quant à l’avenir de la forêt et au réchauffement climatique, parfois il est plus positif et plein d’espoir. Nos forêts sont belles en Auvergne !

Que représente pour vous le champignon ?

Le champignons a marqué mon enfance et m’évoque assurément ma grand-mère qui m’aidait à les éplucher quand j’étais « dans le jus » ! Ma famille a toujours cuisiné le champignon, qui nous est fourni par des ramasseurs locaux et qui alimentent les foires locales. La foire aux Champignons de Saint-Bonnet-le-Froid, à l’automne, est en effet incontournable pour les amateurs !

Le champignon que l’on trouve en forêt mais également dans les prés, sur le bord des routes, dans les fossés, dans les vignes et vergers, est un élément très important dans le cycle de décomposition des végétaux. On l’utilise d’ailleurs désormais de plus en plus comme dépolluant des sols. Ses utilisations sont multiples tout comme ses vertus. Un élément de laboratoire très intéressant pour assainir et pour bien d’autres usages encore !

Le champignon en forêt

Les champignons qui se développent avec les arbres, type le cèpe ou la girolle, ont des goûts qui varient en fonction de l’essence au pied de laquelle ils se développent. Le cèpe par exemple, aura des saveurs différentes suivant qu’il pousse au pied d’un châtaignier, d’un hêtre ou d’un sapin. Il prend le goût de l’arbre avec lequel il va grandir.

Le problème en France, c’est que certaines forêts ont été plantées trop serrées. La vie s’y développe malheureusement très mal. Les forêts de Douglas qui ont été plantées ne favorisent pas toujours le champignon et les différents écosystèmes. Les forêts gérées durablement composées de mélèzes, sapins, châtaigniers favorisent les écosystèmes et les différentes espèces de champignons.

Le champignon en cuisine

Ma famille a toujours cuisiné le champignon. Ma grand-mère a transmis cette passion et mon père a continué la tradition. J’ai toujours vu des cèpes, des mousserons et des charbonniers (Tricholome prétentieux) en cuisine.

Le champignon, comme les herbes sauvages, permet de rester lier au terroir et aux saisons. Notre carte change en fonction de ce que la nature nous donne et c’est passionnant. Parfois la nature est dure car elle ne nous donne pas ce que l’on souhaiterait. En septembre dernier, par exemple, nous n’avions pas de cèpes ni de charbonniers à cause de la sécheresse. C’est inquiétant. Je me demande de quoi seront constituées les cueillettes dans 10/15 ans !

Est-ce que le champignon se décline à toutes les saisons ?

Quasiment. En avril, on démarre avec les morilles, les hygrophores, les mousserons, les tricholomes de la Saint-Jean, les girolles qui durent très longtemps, puis les cèpes d’été, les chanterelles. A l’automne : septembre, octobre, novembre, normalement les mois pluvieux, on  ne compte pas moins de 30 variétés de champignons différents à la carte !

Des experts en mycologie arrivent à me fournir en amanites ou en russules comestibles ce qui est très rare !

Attention, ces champignons doivent être ramassés par des experts car l’erreur peut être fatale ! Je ne ramasse pas moi-même mais me fie aux experts avérés.

D’où viennent les champignons que vous utilisez ?

Mes champignons frais viennent de Haute-Loire ou des départements à proximité : Loire, Ardèche, Drôme, Cantal, Aveyron, Lot et Allier. 95% sont issus de cueillettes par ramasseurs.

La seule difficulté d’approvisionnement vient de la morille. On la trouve de façon confidentielle en France et bien souvent, les cueilleurs les gardent pour leur propre consommation. De plus, la morille pousse en présence d’épicéas que l’on trouve de moins en moins malheureusement en France.

La morille que j’importe, vient de Serbie, du Monténégro ou de Turquie mais on est sur la même souche.

Actuellement on voit arriver de la morille de culture mais elle n’a aucun goût et il faut faire attention.

En sec, le champignon est beaucoup moins courant qu’il y a 20 ans, on ne prend plus le temps de le faire sécher. On en trouve beaucoup plus en Roumanie.

Quand à la truffe, elle provient essentiellement de la Drôme. Nous avons de la truffe d’été qui pousse à 15 cm dans la terre, de la truffe d’automne que l’on trouve à 30cm et enfin de la truffe noire à 40 cm. La truffe est le champignon « star » !

Un dessert au champignon ?

Nous en proposons effectivement comme la crème au caramel et son jus de morille. Mais il ne faut pas faire un dessert au champignon pour jouer sur l’effet de surprise, il faut que ce soit bon ! De ce fait, on l’utilise avec parcimonie en mode dessert.

Quel est le champignon que vous préférez cuisiner ?

J’aime beaucoup travailler le charbonnier. Tout d’abord parce que ce champignon me rappelle ma grand-mère qui m’aidait à les éplucher mais aussi parce qu’en marinière, dans une cocotte, on retrouve un goût de coquillage assez étonnant. On pourrait se méprendre avec un jus de moules, c’est bluffant !

Merci à Jacques Marcon pour cette parenthèse bucolique!

 

 

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