Le nouveau droit de préemption sur les ressources en eau

31 mars 2020 écrit par Simon Coudon

La loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, publiée au Journal Officiel du 28 décembre dernier, a institué, au travers de son article 118, un nouveau droit de préemption au cœur de l’espace rural, pour favoriser la préservation des ressources en eau pour la consommation humaine.

Le but du présent article est donc d’aborder de manière synthétique les différentes caractéristiques de ce nouveau droit de préemption, et notamment leurs conséquences sur les transactions foncières sur le domaine rural français. 

A qui ce nouveau droit de préemption est-il attribué ?

Ce droit de préemption appartient aux communes ou groupements de communes, suivant la collectivité qui exerce la compétence de la contribution à la préservation de la ressource en eau[1].

Quels biens sont concernés ?

 Le chapitre du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinée à la consommation humaine vise les surfaces agricoles situées dans le périmètre d’une ou de plusieurs Aires d’Alimentation de Captage d’eau (AAC)[2]. S’appuyant essentiellement sur une partie des biens objet du droit de préemption de la SAFER[3], il s’applique principalement aux biens suivants[4] :

  • Biens immobiliers à usages agricoles (bâtiments agricoles inclus – Droits à paiement découplés (PAC) possiblement inclus) ;
  • Bâtiments d’habitation faisant partie d’une exploitation agricole ;
  • Terrains nus à vocation agricole (friches, ruines, installations temporaires ne nuisant pas à la vocation agricole du terrain).

Il est à préciser que l’article ne vise pas le cas d’aliénation de parts sociales d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole, excluant ainsi ces opérations du champ d’application de ce droit.

Quelles sont les opérations concernées ?

 Seules sont visées dans le champ d’application de ce droit de préemption, les aliénations à titre onéreux, excluant ainsi le régime des donations.

La cession de la nue-propriété n’est pas une opération préemptable, sauf à ce que le titulaire du droit puisse acquérir l’usufruit concomitamment. L’usufruit, sauf à être acquis par les nus propriétaires, demeure soumis au droit de préemption.

Quels sont les cas d’exemptions ?

 A l’instar du droit de préemption de la SAFER, diverses opérations ne peuvent faire l’objet du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinée à la consommation humaine, et notamment[5] :

  • Les échanges par voie d’aménagement foncier agricole et forestier ;
  • Les ventes en viager comportant une rente versée en prestation de service personnel ;
  • Ventes entre parents ou alliés jusqu’au 4ème degré inclus ;
  • Acquisitions destinées à la construction, aux aménagements industriels ou aux carrières ;
  • Propriétés en nature de Bois et Forêts.
Les Forêts, sous réserves de conditions à remplir, sont donc exclues du champ d’application de ce nouveau droit de préemption. 

Quelle est la procédure de purge de ce droit ?

 La notification du droit de préemption appartient au propriétaire du bien cédé[6]. Cependant, il peut déléguer ce droit à son notaire dans le cadre d’une réquisition d’instrumenter.

 Aucune forme n’est requise pour cette notification. Il est cependant impératif d’effectuer un envoi recommandé avec Accusé de Réception permettant une justification de la date de réception faisant ouvrir le délai. La notification doit à minima comporter le prix et les conditions de l’aliénation projetée. Une copie de la déclaration doit également être adressée à la SAFER.

 La commune ou le groupement de commune destinataire dispose alors d’un délai de 2 mois pour répondre. A défaut de retour dans ce délai, le silence vaut renonciation. Cependant, le délai peut être suspendu par une demande de documents complémentaires, qui bloquera l’écoulement des deux mois jusqu’à réception des documents par la collectivité, étant ici précisé que si le délai restant à la réception du dossier complet est inférieur à 1 mois, la commune ou le groupement de commune décisionnaire disposera d’un mois pour répondre. Il n’est donc pas à exclure de devoir recourir à un délai maximal de trois mois pour purger ce droit.

Une préemption partielle est-elle envisageable ?

 Ce droit de préemption pour la préservation des ressources en eau peut en effet être exercé sur une fraction d’unité foncière. Cependant, le propriétaire peut exiger que la collectivité se porte acquéreur de l’ensemble de l’unité foncière cédée[7].

En cas de préemption partielle, le prix doit tenir compte du manque à gagner subie par le surplus restant à la charge du vendeur. A défaut d’accord sur le prix, ce dernier sera lors fixé par le juge de l’expropriation comme il est d’usage en pareils cas.

Quels droits de préemption priment celui sur la préservation des ressources en eau ?

 Ce nouveau droit de préemption peut évidemment se retrouver en concurrence avec d’autres déjà établis. Dans cette situation, le droit de préemption objet des présentes viendra à la suite des suivants, savoir :

  • Droit de Préemption Urbain ;
  • Droit de Préemption Zone d’Aménagement Différés ;
  • Droit de Préemption E.N.S. ;
  • Droit de Préemption Conservatoire du Littoral.

Il est à noter que l’art L218-4 Curbanisme[8] ne vise pas le droit de préemption de l’Etat ni de la commune en matière forestière. Néanmoins, l’Art L218-6 Curbanisme[9] rend applicables les dispositions de l’Art.L143-6 Code Rural et de la Pêche Maritime[10], soit le fait que les droits de préemptions au profit de l’Etat et des collectivités publiques priment.

C’est également le cas du droit de préemption du preneur en place remplissant les conditions requises, qui ne pourra donc pas être écarté dans ce scénario.

Quelle finalité a ce droit de préemption ?

 Ce droit vise à permettre aux communes ou groupement de communes en charge de la préservation de l’eau à destination de la consommation humaine a pouvoir sécuriser la zone de prélèvement, et ainsi assurer la qualité de la ressource par sa qualité de propriétaire[11]. Ce droit de préemption était en partie déjà institué dans les zones de protections des captages déterminées par arrêté Préfectoral portant Déclaration d’Utilité Publique, et comprenant, notamment dans les périmètres de protection immédiats et rapprochés, un droit de préemption similaire, à l’initiative du conseil municipal.

A contrario, le présent droit de préemption sera mis en place à l’initiative de la collectivité (commune ou groupement), sur décision du préfet, après consultation des organismes requis (Communes, EPCI, Chambre d’Agriculture, SAFER). L’arrêté préfectoral délimitera également le périmètre soumis au droit de préemption[12].

 A toutes fins utiles, cet article représente un énoncé synthétique des diverses caractéristiques de ce nouveau droit de préemption. Le nouveau chapitre du code rural étant basé en majorité sur de reports de texte, il est impératif de bien évoquer l’ensemble de ces points auprès d’un professionnel afin d’obtenir une étude approfondie correspondant aux caractéristiques de l’opération envisagée, et ne pas passer à côté d’un droit de préemption quel qu’il soit, pouvant entraîner la remise en cause de la vente.

Forêt Investissement vous accompagne dans votre projet de cession afin d’appréhender ensemble les divers droits de préemption auxquels votre cession peut être soumise.           

 Annexes

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070633&idArticle=LEGIARTI000006390351&dateTexte=&categorieLien=cid

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=7D52EC92DE57D21DF5B8094A3C141A8E.tplgfr37s_3?cidTexte=LEGITEXT000006074075&idArticle=LEGIARTI000041407938&dateTexte=20200126&categorieLien=id

[3] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=7D52EC92DE57D21DF5B8094A3C141A8E.tplgfr37s_3?cidTexte=LEGITEXT000006074075&idArticle=LEGIARTI000041407938&dateTexte=20200126&categorieLien=id

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000038492052&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20190522

[5] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000029594354&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20190522&categorieLien=id&oldAction=

[6] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000041407981&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20200126&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

[7] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000041407964&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20200126&categorieLien=id&oldAction=

[8] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000041407952&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20200126&categorieLien=id&oldAction=

[9] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000041407961&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20200126&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

[10] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000006582063&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20190522&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

[11] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000041407938&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20200126&categorieLien=id&oldAction=

[12] https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5B7BD73839C388735ADCA89AA801D6AA.tplgfr37s_3?idArticle=LEGIARTI000041407941&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20200126&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

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