Métier : géomètre

30 juin 2023 écrit par Stéphanie Bonnet

Laurent Carrier, géomètre expert spécialisé dans le foncier rural nous parle de son métier qui le mène régulièrement sur le terrain. Mais quel est le rôle d’un géomètre-expert exactement ?

Focus sur un métier qui recrute : géomètre ! The Forest Time nous emmène à la rencontre de Laurent Carrier, nouvellement installé dans son cabinet à La Pardieu (Clermont-Ferrand) mais qui pratique le métier depuis près de 30 ans ! Il nous explique tout sur cette profession qui revêt de multiples possibilités de carrière.

Laurent Carrier a fait son choix depuis longtemps : le foncier rural, ce qui lui permet d’être très régulièrement sur le terrain, dans l’échange et la relation humaine. Depuis 4 ans, il a acquis le titre de géomètre-expert, une spécificité du métier qui lui donne autorité sur le bornage.

On vous explique tout dans les lignes qui suivent.

Laurent Carrier, pouvez-vous nous expliquer le métier de géomètre ?

Le métier de géomètre se distingue en deux catégories : le géomètre topographe et le géomètre-expert (ce que je suis depuis 4 ans après un Master2 et deux ans de stage).

Le géomètre topographe réalise des relevés topographiques qui permettent de représenter sur un plan, les formes et les détails d’un terrain. Le géomètre-topographe donne la mesure du chantier. Son travail est basé sur des plans et alterne entre travail sur ordinateur et terrain.

Le géomètre –expert réalise les mêmes tâches et il a en plus l’autorité pour fixer les limites de biens fonciers. Il a donc la capacité de borner et de diviser les propriétés foncières et pratique l’arpentage c’est à dire qu’il mesure la superficie des terres, des terrains constructibles agricoles ou forestiers.

Le géomètre-expert dépend donc d’un ordre ?

Exactement. Le droit de propriété est constitutionnel en France. En 1946, l’Etat a en effet délégué une mission d’intérêt public à un ordre qui s’appuie sur ses membres. Il s’agit de l’ordre des experts-géomètres. Le monopole professionnel du géomètre-expert est consacré par la Loi n°46-942 du 7 mai 1946 instituant l’Ordre des géomètres-experts en ses articles 1 et 2.

« Le géomètre-expert est un technicien exerçant une profession libérale, qui en son propre nom et sous sa responsabilité personnelle :

1° Réalise les études et travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ; ...... »

Combien y-a-t’il de géomètres-experts en France ?

On en comptait 1878 inscrits à l’ordre en 2022. Le taux de féminisation est encore faible : 12,16%. La moyenne d’âge des géomètres-experts est de 47 ans, donc relativement jeune.

On compte 1106 cabinets de géomètres-experts.

Leurs activités sont principalement axées sur la topographie ainsi que le foncier.

Quelle est votre spécialité à vous ?

Je suis spécialisé en Aménagement Foncier agréé par le Ministère de l’Agriculture pour les opérations d’aménagement foncier rural. J’oeuvre au regroupement parcellaire. En ce qui concerne la forêt, le but est de lutter contre le morcellement des parcelles en favorisant leur regroupement et en les faisant s’accoler à des chemins forestiers.

Je travaille beaucoup avec les départements ayant la compétence en aménagement foncier. C’est avec les communes que nous travaillons à l’aménagement de chemins publics communaux.

Bornage, division cadastrale (parcellaire), aménagement foncier et réglementation des boisements, telles sont mes missions.

Je suis également depuis quelques années, expert judiciaire pour la cours d’appel de Riom. En fait le bornage est fait à l’amiable en règle générale. Mais si un désaccord survient, c’est au juge de trancher. Les limites de la propriété (y compris forestière) sont alors fixées par décision de justice. Le bornage judiciaire prend donc le pas sur le bornage à l’amiable.

Pratiquez-vous l’aménagement foncier de forêts ?

C’est assez peu souvent le cas. Je l’ai fait sur la demande de communes ou de collectivités territoriales sous la compétence des départements. Les occasions sont rares dans le Puy-de-Dôme et plus fréquentes en ce qui concerne les forêts en Dordogne, dans les Landes, de manière générale dans le Sud-Ouest où la valeur des forêts est plus élevée à l’hectare.

Pistes forestières : l’usage fait la piste !

J’ai toutefois travaillé avec les collectivités notamment sur la Montagne Thiernoise pour une desserte forestière dans le cadre du plan de Développement du Massif. Nous avons cadastré des pistes forestières qui avaient été tracées par l’usage. Le but a été de supprimer les servitudes réciproques et de créer des parcelles qui ont été ensuite données à la commune avec l’accord des propriétaires. Une action à 80% subventionnée par l’Europe dans le cadre du Plan de Développement du Massif. Dans ce cas de figure, avec des parcelles valorisées, les frais de géomètre sont subventionnés.

Le bornage en forêt est assez peu fréquent mais je viens d’en faire un dernièrement dans une propriété forestière. L’exploitant avait arraché toutes les bornes avec ses engins.

Comment pratique-t-on le bornage en forêt ?

C’est un travail d’enquête, de connaissance du territoire et de son histoire, de questionnements. Nous rassemblons une somme de présomptions d’appartenance de propriété et nous recherchons des preuves sur le terrain ; un tertre, une trace d’ancien mur, un alignement d’arbres... C’est passionnant.

Il faut savoir que le cadastre ne fait pas foi en matière de propriété, c’est le bornage qui atteste de la limite.

J’ai pratiqué dernièrement le bornage de l’ancienne maison d’été du Baron de Thiers et de sa propriété forestière mais cela est rare. L’acquéreur avait besoin de borner pour un projet futur.

Les politiques forestières sont-elles toutes les mêmes en France ?

Non, chaque département fixe ses propres politiques forestières qui sont toutefois dans le cas des réglementations des boisements cadrées par le code rural. La réglementation des boisements est un mode d’aménagement foncier qui a pour but d’améliorer les conditions d’exploitation des propriétés agricoles et forestières, d’assurer la mise en valeur des espaces naturels et ruraux et de contribuer à l’aménagement des territoires et des communes. La réglementation des boisements est à la forêt ce que le PLU est à la ville.

Chaque département fixe donc ses délibérations « cadre » ainsi que la notion de Massif. L’objectif est d’optimiser l’espace sylvicole et agricole en réservant, dans la mesure du possible, la terre à l’agriculture. La règlementation des boisements vise enfin à lutter contre le mitage « timbre poste » des parcelles afin de limiter un maximum le morcellement de la forêt.

La notion de massif est fixée à 4Ha dans le département du Puy-de-Dôme.

Quelles sont les qualités dont on doit faire preuve pour devenir géomètre-expert ?

Il faut être bon en mathématiques, avoir de bonnes notion en juridique et connaitre les textes de loi. Avoir l’habitude de lire les actes notariés, les ordonnances de référés et enfin avoir des talents de négociateurs sont des qualités très utiles pour certaines situations !

Il est important d’avoir des bases en scientifique et juridique. Le métier de géomètre-expert est enseigné en école d’ingénieur : Ecole supérieure de géomètre-expert, ESTP, INSA Strasbourg.