Changement climatique : quels feuillus?

31 octobre 2019

Par notre correspondant : Sylvestre Laforêt

 Dans un précédent article, après avoir rappelé les différents scénarii concernant l’évolution du climat dans les années futures, l’auteur présentait les principales essences résineuses susceptibles d’être utilisées dans les projets de boisements du  Massif Central, en fonction de leur autécologie adaptée aux nouvelles conditions stationnelles.

 Eu égard à la place des conifères à l’échelle de la forêt mondiale (un tiers de la forêt dense soit plus d’un milliard d’hectares et environ 650 espèces distinctes recensées),  il existe vraisemblablement d’autres espèces  résineuses  susceptibles de compléter cette liste. Cependant avant d’être vulgarisées et largement utilisées par les sylviculteurs, elles devront être expérimentées soit dans des arboreta (collections d’arbres) ou des ilots d’introduction en forêts, représentatifs des différentes conditions de sols et de climat de cette grande région.

Par ailleurs, en raison de la très vaste distribution géographique de certaines  essences présentées (cèdres, pins, sapins, etc…), des études relatives aux différentes provenances du matériel végétal devront compléter les travaux d’introduction.

Dans les lignes qui suivent sont dévoilées un certain nombre d’espèces de feuillus et plus particulièrement de chênes, en capacité de s’adapter, dans certaines limites bien entendu au réchauffement du climat.

Feuillus et réchauffement climatique : état des lieux

Les feuillus sont majoritaires dans l’espace central et ils n’échappent pas à l’impact de la modification du climat et de la recrudescence des épisodes caniculaires. On peut les rencontrer en plaine (chênes, châtaigniers, peupliers, frênes, charmes, merisiers, noyers, etc…) ou en montagne (hêtre principalement, érables, etc…). Il faut d’ores et déjà, en raison de la durée de production (« révolution ») parfois très longue de ces types de peuplements (plus de deux siècles pour certaines forêts de chênes !)  introduire des espèces ou des écotypes  susceptibles d’être adaptées au réchauffement présent et à venir de notre atmosphère.

C’est vraisemblablement au niveau des chênaies, qui constituent les surfaces boisées les plus représentatives de feuillus, que la situation est la plus prégnante.

Chênes pédonculés et chênes sessiles

En effet, les chênaies de plaine  sont composées principalement de chênes pédonculés (Quercus robur L.) et de chênes sessiles (Quercus petraea (Mattsuschka)Liebl.)), deux essences qui bien que morphologiquement assez voisines, ont des exigences différentes en ce qui concerne leur optimum stationnel.

Le chêne pédonculé (les glands sont fixés sur un pédoncule de longueur variable, houppier irrégulier) exige des sols profonds bien alimentés en eau à bilan hydrique favorable et craint les fortes sècheresses. On note qu’environ un quart de la chênaie pédonculée localisée dans l’ouest de la France présente des signes de dépérissements et que les peuplements composés principalement par cette essence ont un taux de dépérissement quatre fois plus élevé que le chêne sessile (gland directement fixé sur le rameau – houppier en éventail). Le chêne sessile qui peut supporter des sols présentant un bilan hydrique légèrement déficitaire  lui permettant de mieux résister aux sécheresses.

C’est pourquoi lors des phases de renouvèlement et  d’amélioration des peuplements forestiers il convient de favoriser cette espèce de chêne moins sensible au réchauffement climatique  au détriment des chênes pédonculés.

Ceci ne vaut que pour un réchauffement climatique cantonnée de + 1 à + 2° C au niveau de la température moyenne annuelle ; au-delà les différences de comportement entre les deux principales espèces de feuillus sur le plan national  (4,5 millions d’ha ) s’estompent et l’on peut craindre des dépérissements y compris chez les chênes sessiles.

Le chêne pubescent

C’est pourquoi, il paraît important d’expérimenter, voire d’introduire sur les stations de plaine réputées les plus sensibles au niveau du déficit hydrique, le chêne pubescent (Quercus pubescent Willd.). Cette espèce de chêne que l’on peut reconnaître grâce à la pubescence plus ou moins importante que l’on observe à la face inférieure des feuilles, se rencontrent principalement au sud de la Loire.

 C’est une espèce dite « thermophile » (qui aime la chaleur et les endroits ensoleillés), de lumière qui croit souvent sur des sols calcaires (Causses, pourtour méditerranéen) et qui est beaucoup moins sensibles aux effets de la canicule et de la sécheresse que les chênes pédonculés et sessiles, avec lesquels il peut s’hybrider naturellement. A noter qu’il peut supporter sous certaines conditions les grands froids, ce qui complète son grand intérêt pour son utilisation en plaine ou zone de piémont dans le Massif Central.

Au niveau de la qualité de son bois des récentes études ont montré,  qu’elle était tout à fait comparable, voire supérieure à celle du chêne pédonculé, permettant des usages nobles tels que la production de merrains pour la tonnellerie ou de bois de menuiserie. On observe cependant une plus forte proportion d’aubier et quelques difficultés au séchage. On retiendra que le chêne pubescent sous réserve de lui appliquer des pratiques sylvicoles adaptées, peut constituer une excellente alternative aux dépérissements d’ores et déjà observés dans les forêts feuillues plus particulièrement dans la chênaie pédonculée.

D’autres espèces de chênes plus exotiques mériteraient d’être expérimentées, parmi celles-ci on peut citer le Chêne de Hongrie et le Chêne du Caucase.

D'autres espèces de chênes méritent attention

Le chêne de Hongrie

Le Chêne de Hongrie (Quercus frainetto Ten.) est une essence feuillue caducifoliée dont l’aire naturelle très vaste s’étend du sud de l’Italie jusqu’en Turquie (Bordure de la mer Noire et de Marmara) d’ouest en est, et de la mer adriatique en Hongrie, du Sud au Nord (Grèce, Serbie, Albanie, Roumanie, Bulgarie Hongrie). Il croit sous des climats chauds durant la période estivale (plus de 40° C) et supporte bien le froid hivernal (-20 °C voire plus), avec des lames d’eau limitées comprises entre 550 mm et 700 mm. Il s’adapte aux périodes de sécheresse sauf au stade juvénile. En ce qui concerne les sols il semble très plastique et relativement indifférent au pH. Son bois serait sensiblement comparable à celui du chêne sessile. Toutes ces caractéristiques en font un candidat idéal pour se substituer ou être utilisé en mélange avec les chênes sessiles sur les stations de plaine les plus difficiles sur le plan hydrique. Il faudra néanmoins l’expérimenter au préalable  afin d’appréhender d’éventuelles  vulnérabilités.

Le Chêne de Caucase

Le Chêne du Caucase (Quercus macranthera Fish.) est un chêne qui pousse spontanément dans les massifs montagneux qui bordent le sud de la mer noire (Turquie) et de la mer Caspienne (Iran) à des altitudes comprises entre 800 et plus de 2 000 mètres d’altitude. Au même titre que le chêne de Hongrie, c’est un arbre de première grandeur qui peut atteindre des dimensions comparables aux chênes français. Dans son aire naturelle le climat est conditionné à l’altitude avec cependant des niveaux de pluviosité annuelle relativement faible autour de 500 mm et une amplitude thermique très forte et supérieure à 70° C (-33° C à + 43° C) ! Il apprécie les sols plutôt profonds et frais et son bois serait aussi comparable à celui des chênes de nos régions. L’espèce très peu introduite en France et moins bien connue des forestiers que le Chêne de Hongrie, resterait à expérimenter sur différents types de station dans les forêts de plaine.

Au même titre que les résineux, d’autres espèces de Chênes (600 espèces décrites au niveau planétaire  sur le plan de la botanique avec cependant de nombreux hybrides…) pourraient être testées dans les forêts de plaine du Massif Central et sur l’ensemble du territoire national afin d’identifier les essences feuillues susceptibles d’assurer la gestion durable des forêts dans un contexte de réchauffement climatique.

A suivre dans la Une de décembre du Forest Time!

 

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