Entretien avec Stanislas Stachura, responsable achat bois
Un focus sur un métier capital de la filière : responsable d’achat bois, présenté dans ce tout nouveau numéro de printemps du Forest Time. C’est en compagnie de Stanislas Stachura, responsable des achats de bois chez Panneaux de Corrèze que nous allons cheminer dans le domaine de la transformation. Une interview passionnante d’un infatigable arpenteur de forêts dans un but professionnel mais également personnel car la forêt, c’est ce qui fait vibrer Stanislas ! Entre inquiétudes sur la préservation de la ressource bois et vision durable mais à la fois génératrice d’emplois et d’activité économique, retour sur un point de vue aiguisé de la question.
Stanislas Stachura pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
Bien sûr, je suis depuis 12 ans, responsable des achats de bois chez Panneaux de Corrèze. Mon métier consiste à acheter du bois en quantité et en qualité auprès de différents interlocuteurs que ce soient des coopératives forestières, des exploitants des scieries mais également auprès de l’Office Nationale des Forêts et ce afin d’alimenter en bois notre usine de panneaux.
J’ai à la base une formation forestière ayant suivi un Bac Pro Production et un BTS Techniques Commerciales Bois. Par la suite j’ai obtenu un DESS (on parle désormais de Master) dans le domaine de la Qualité, plus générique mais très utile pour mon secteur de prédilection : le bois.
J’ai un parcours riche de formations et d’expériences et ce qui est certain, c’est qu’à 55 ans je suis toujours aussi passionné par mon métier par l’intermédiaire duquel j’apprends tous les jours !
Parlez-nous de la société dans laquelle vous travaillez
Je travaille pour une société : Panneaux de Corrèze Panneaux de Corrèze (panneauxdecorreze.fr) qui, comme son nom l’indique, fabrique des panneaux à base de bois dans une très large gamme de choix, en Corrèze, à Ussel. Nous proposons 3 gammes de produits (une gamme 100% résineuse, une gamme 100 % feuillue et une gamme utilisant une technologie biosourcée et brevetée de résine végétale 100% naturelle) et nous avons en permanence 70 références en stock.
Nos clients, essentiellement basés sur le territoire national, sont des négociants avec dépôts ou des industries notamment d’ameublement ou des parqueteurs. Le bois que nous leur fournissons est 100% local et français avec un rayon d’approvisionnement inférieur à 70 km autour de l’usine.
Notre société est née de la séparation des activités françaises de notre ancien actionnaire Portugais. Le groupe SONAE a longtemps détenu des unités de production en France dont la nôtre. Ensuite, notre unité de production est devenue SAS Corrézienne, une société indépendante et locale. Depuis novembre 2021 nous avons été rachetés par le Groupe Unilin. Accueil | Unilin
Comme je le disais plus haut, la particularité de nos produits est que nous en proposons un large choix. Cette spécificité est liée au fait que nous nous situons dans un massif qui présente des forêts diversifiées composées de feuillus et de résineux et non mono-spécifiques. Notre production s’adapte aux massifs dont nous disposons.
Quelle est la capacité de votre unité de production ?
Nous sommes une des plus petites usines de panneaux en France. Pour vous donner une idée, nous consommons 200 000 tonnes de bois par an, ce qui ne représente que 30 camions par jour. Notre usine ne s’arrête jamais de fabriquer. Une centaine de salariés la composent en production, maintenance et en administratif.
Notre approvisionnement ne va pas au-delà de 70 km à la ronde. En effet, nous sommes situés au cœur de la France, à l’ouest du Massif Central et le secteur est très boisé.
Qui sont vos fournisseurs ?
Nous comptons environ 80 fournisseurs qui sont des exploitants forestiers ou des coopératives forestières. Nous achetons le bois « bord de route ». Notre secteur d’approvisionnement va du nord de l’Allier au Périgord. Varier les régions permet de ne pas encourager la détérioration des sols lorsqu’il terrains mouillés. Quand il neige en altitude, nous préférons nous approvisionner par exemple dans le Périgord !
Nos principaux concurrents à l’achat sont notamment les papeteries qui sont très consommatrices de bois. elles sont situées dans le même bassin d’approvisionnement que nous.
Quel est le processus de fabrication de vos panneaux ?
Nous achetons à la tonne pour 95% de rondins de bois et le reste en produits connexes. J’achète le bois « bord de route », comme je l’évoquais plus haut. Le fournisseur indique où se trouve le bois aux transporteurs. Les transporteurs se rémunèrent suivant une grille tarifaire définie.
Arrivé à l’usine
Le bois est écorcé et ensuite broyé pour être transformé, en plaquettes.
Il est ensuite soumis à une cuisson vapeur pour être ensuite défibré par une action mécanique. Puis on ajoute les colles et toute la chimie dont le panneau a besoin (hydrofuge et ignifuge ou par exemple de la couleur). La pâte est ensuite séchée avant de passer en presse. Un immense laminoir vient presser et chauffer la fibre encollée en continu.
Plus globalement, quelle est votre vision sur la filière bois et sur la forêt en général ?
Nous sommes situés dans une région relativement bien dotée en forêts. A l’ouest du Massif Central, entre le Sancy et le Lioran, nous sommes davantage sur des résineux en cours d’exploitation. Entre accroissement naturel et récolte, il faut trouver le juste équilibre. Il faut absolument inciter les propriétaires forestiers qui sont à 95% privés, à être vigilants afin de bien reboiser. Historiquement, nous avons bénéficié du Fond Forestier National mis en place après-guerre. Il a permis de créer une vraie dynamique concernant le boisement mais il a cessé d’exister à la toute fin de l’année 1999.
Aujourd’hui, mon travail est directement connecté à une approche de développement durable de la forêt, elle se fait en appréhendant l’ensemble de la filière bois, Notre société Panneaux de Corrèze est très investie dans le reboisement au travers du Fonds Forestier en Limousin https://www.fondsforestierlimousin.fr/ Pour 1m3 de panneaux vendus en négoce, nous reversons 1€ pour planter des arbres.
Je suis très soucieux du respect des usages du bois.
Votre action au quotidien pour veiller au développement durable de la forêt
Je suis extrêmement vigilant à respecter la classification : BOBIBE.
BO : le bois d’œuvre part dans les scieries pour les charpentes, pour l’ameublement.
BI : le bois d’industrie est destiné aux usines de panneaux ou aux papeteries.
BE : le bois énergie est dans la dernière catégorie. On parle du bois de chauffage par exemple.
Il faut veiller à valoriser le mieux possible le bois pour chacun puisse travailler convenablement et maintenir les équilibres de la filière.
Société coopérative d’intérêt collectif
Pour répondre à une nouvelle problématique de nos fournisseurs, Par le biais du syndicat (SEFSIL Syndicat des exploitants forestiers Scieurs et industriels du Limousins), nous avons créé une société coopérative d’intérêt collectif dont panneaux de Corrèze. J'en suis membre fondateur. Le but est de permettre aux exploitants forestiers de certifier leurs entreprises ainsi que les forêts dans lesquelles ils travaillent et ainsi de vendre du bois FSC- PEFC. Mais l'objectif est aussi de permettre aux exploitants forestiers d’avoir accès à des services offrant des conseils en sylviculture par exemple. Cela me semble très important.
Comment voyez-vous l’avenir de la filière bois ?
Je suis inquiet lorsque j’entends parler les détracteurs de la récolte forestière. On expose souvent dans les médias qu’une partie de la réalité de notre métier. Nous sommes une filière structurée, avec une économie qui permet de faire vivre des hommes et des femmes sur des territoires souvent ruraux dans un souci de durabilité. Il faut davantage expliquer et mettre en valeur nos métiers qui sont de beaux métiers. Il faut davantage mettre en évidence que sans récolte : pas de constructions, pas papier, pas de meuble. Nous avons la chance de pouvoir mettre en application les principes de l’économie circulaire, il faut valoriser notre matière première et lui donner priorité sur des bois qui auront été transportés sur de grande distances.
La pénurie de main d’œuvre à laquelle nous sommes soumis est inquiétante notamment dans la récolte de feuillus moins mécanisable que les résineux et qui implique un travail manuel, est un vrai souci.
Il faut faire la lumière sur les métiers de la filière bois et susciter des vocations.