Portugal : Quand transmission rime avec innovation

1 juin 2018 écrit par Stéphanie Bonnet

Retour sur une propriété familiale portugaise, celle de la famille Almeida Garrett. Nous vous avons fait part au mois de mai dernier, de notre rencontre avec Francisco Almeida Garrett qui a su diversifier les rendements d’un domaine qui s’étend aujourd’hui sur près de 2000 ha au cœur de la province de l’Alentejo.

Outre les productions d’olives, de vin mais aussi de viande certifiées, cet ingénieur agronome a su faire du chêne-liège le fer de lance de l’exploitation. Vecteur de toutes les attentions, le chêne-liège fait l’objet d’une expérimentation depuis 16 ans sur 2 ha de la propriété.

Focus sur une expérience qui pourrait bien révolutionner l’économie de cet arbre spécifique du Portugal.

Tout savoir sur les « Montado de Sobro » ou les plantations de chênes-lièges

L’Alentejo, territoire couvrant la moitié sud du pays, est la province du chêne-liège par excellence. Il faut dire que le climat méditerranéen ainsi que les sols sablonneux/limoneux, favorisent ces arbres capables de se développer sur des sols relativement pauvres.

« Quercus Suber »

C’est le nom latin du « Chêne liège » et qui a donné le nom de suberaie à la forêt exclusivement composée de chênes-lièges. Appelé également corsier, surier ou suve, le chêne-liège dont la production est liée à une forte régénération de son écorce sur des dizaines d’années, alimente une économie du liège extrêmement porteuse au Portugal.

Le pays en effet produit à lui seul une grande partie du liège consommé dans le monde. Ce qui lui confère la place de premier producteur mondial.

En effet, le Portugal produit 49% des 221 428 tonnes produites en moyenne dans le monde chaque année (FAO 2010). De ce liège, seront fabriqués une multitude de produits comme des revêtements pour les sols, des isolants et dont le plus connu est tout simplement le bouchon de liège qui est utilisé notamment dans la mise en bouteille du vin. Ses qualités hermétiques sont en effet reconnues depuis des siècles.

La récolte de l’écorce

Il faut savoir que le chêne-liège est protégé depuis des siècles par la loi de 1209 qui interdit l’abattage illégal. C’est un arbre qui est généreux car son écorce se renouvelle au fil des ans. Il s’agit de savoir le ménager.

Un chêne-liège peut en effet produire jusqu’à 200 ans et donc permettre à son écorce de se renouveler jusqu’à 17 fois si les producteurs déliègent correctement. On parle alors de 17 révolutions ce qui est colossal !

Le chêne-liège ne pourra être exploité qu’à partir de ses 25 ans.  Sa première récolte (vierge) donnera le liège blanc utilisé davantage dans les revêtements ou isolants de sol. La secundeira est possible 9 ans plus tard.

Le liège noir plus « noble » (amadia) sera quant à lui exploité dès la 43ème année du chêne liège. Il permettra multiples utilisations dont l’une des plus prestigieuse est bien sûr la fabrication de bouchons pour les grands crus !

L’arroba est l’unité de mesure du liège. 1 arroba = 15 kg

La production de chêne-liège du domaine Almeida Garrett est en partie destinée au groupe Amorim, premier transformateur de liège au niveau mondial. 

Ce dernier s’intéresse d’ailleurs de près à l’expérience du chêne-liège irrigué.

Une expérience qui tend vers l’innovation

Francisco Almeida Garrett est un développeur, son parcours de vie nous le prouve. L’agriculture chevillée au corps, il n’a eu de cesse de faire fructifier les différentes productions de la propriété familiale. Le chêne-liège est pour lui un arbre à la fois fort, qui traverse les générations et généreux car il fait vivre des familles entières depuis des siècles au Portugal.

Ingénieur agronome de formation, il a toujours eu le souci de l’exploitation menée dans les meilleures conditions afin de conserver une véritable biodiversité. Aussi, les enseignements de certaines cultures peuvent servir de bases de réflexion à d’autres….

« J’ai toujours observé la nature, elle offre des enseignements emplis de sagesse si on sait prendre le temps. Faisant le constat d’une grande mortalité des chênes lièges sur la propriété, il y a une vingtaine d’année, j’ai pris le pari de transposer sur le chêne liège ce que nous pratiquions sur l’olivier en termes d’irrigation ».

L’efficacité de l’irrigation sur l’olivier reproduite sur le chêne-liège, une piste qu’Almeida Garrett creuse depuis 16 ans. L’expérience commence à porter ses fruits.

J’ai planté il y a 16 ans 2 ha de chêne-liège en intensif bénéficiant d’une irrigation soutenue et cela a été probant puisque l’on peut entrer en production de liège au bout de 20 ans au lieu de 40 !»

Une avancée prodigieuse pour les producteurs de chêne-liège !

Pour le moment, l’expérience ne demande qu’à se confirmer. Elle est d’ailleurs menée avec l’Université d’Evora qui mesure les données et étudie l’adaptation de l’arbre à cette irrigation plus intense. A l’issue de ces conclusions, une étude économique va être menée.

Produire plus vite et avec de meilleurs rendements

Cette expérience arboricole a été menée sur près de 600 chênes lièges plantés il y a maintenant 16 ans. Il s’avère que l’on pourrait exploiter le premier chêne liège blanc à 8 ans au lieu de 25 ans !

Le liège blanc/noir serait récolté au bout de 12 ans et dès la 16ème année le liège noir ! Une avancée significative quand on sait que l’exploitation du liège noir se pratique traditionnellement à 43 ans.

Cette expérimentation a nécessité un apport d’eau de 2500m3/ha/an que la province de l’Alentejo procure grâce à de nombreuses retenues d’eau. En effet, l’irrigation de mai à septembre a nécessité près de 200 litres d’eau par semaine par arbre, mais il faut prévoir la possibilité d’irriguer 60 l par arbre par jour. Mais la période de récolte serait significativement réduite.

La méthode traditionnelle permet d’exploiter 80 à 120 arbres par ha tandis que l’expérimentation montre que l’on pourrait augmenter la densité des chênes lièges à 600 arbres par ha ! Les fruits de la récolte seraient ainsi significativement augmentés grâce à une irrigation contrôlée.

Avec cette méthode qui est pour le moment expérimentale, nous serions sur une production de 150 arroba/an/ha alors que la méthode traditionnelle de production est sur la base de 200 arroba en 9 ans.

Pourquoi cette expérience ?

Almeida Garrett est parti de plusieurs constatations. La première est que la moisissure qui pourrit les racines : le Phytophtora se développe sur le chêne-liège, ce qui constitue une menace quant à la pérennité de l’espèce. Ce champignon est normalement supporté par l’arbre si on n’agit pas trop souvent sur les labours et les sols des forêts, ce qui provoque des ouvertures à la maladie. Le chêne-liège, affaibli par ses sols, propage alors la maladie.

Francisco Almeida Garrett le constate :

On craint beaucoup les incendies au Portugal. Aussi, on constate un nettoyage systématique des sols ce qui tue les arbres à terme car on supprime les racines qui les nourrissent, leur apportent de l’eau et nutriments et favorisent la minéralisation de la matière organique.

Les jeunes arbres ont besoin d’ombre, aussi une forte densité de chênes-lièges irrigués sur 16 semaines de manière contrôlée et systématique renforcerait leur résistance et de ce fait la qualité de la production. »

Aujourd’hui

L'’expérimentation est en phase de faire ses preuves sur 2 ha, alors Francisco Almeida Garrett souhaite l’étendre à 38 ha, sur une partie des terres de la propriété.

«  J’ai planté ce mois d’avril 38 ha de chêne-liège pour poursuivre sur une plus grande surface l’expérimentation de ce chêne irrigué. Nous verrons dans 16 à 20 ans si nos premières constatations se vérifient. Mes enfants seront là pour faire vivre l’innovation ».

En visionnaire, Almeida Francisco Garrett a certainement déjà une partie de la réponse….

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