Fanny Agostini : à la racine de l’action

29 septembre 2019 écrit par Stéphanie Bonnet

On ne présente plus Fanny Agostini qui multiplie les émissions, conférences et autres prises de paroles au profit d'une lutte écologique qu’elle a entrepris de mener en couple, aux côtés d’Henri Landès son époux. Ce combat il est titanesque, colossal mais à la fois vital pour la planète : sa préservation. Tel l’oiseau colibri qui fait sa part en portant en son bec la goutte d’eau destinée à éteindre le feu de forêt, Fanny Agostini informe, transmets et met en œuvre des fonctionnements nouveaux pour reconnecter l’humain à la nature. Elle y engage toute son énergie mais aussi son inquiétude car « il est temps d’ouvrir les yeux ! »

Fanny Agostini nous a fait le plaisir de nous accorder un peu de temps et nous parle dans ce Forest Time d’octobre de sa vision de la nature mais aussi de la forêt ! Merci !

Votre parcours journalistique est dense et brillant et vous auriez pu prétendre à présenter de nouvelles émissions télévisuelles, qu’est-ce qui vous pousse à mener ce combat pour la défense de la biodiversité ?

Effectivement, en tant que journaliste et ce depuis 2009, je pourrais prétendre à de nouvelles aventures et présenter de nouveaux sujets mais je suis une journaliste spécialisée dans la biodiversité et je ne me vois pas faire autre chose que de parler environnement, climatologie, défense des espèces et permaculture. Je me définis comme une journaliste engagée, je ne suis pas neutre et le revendique : il n’y a pas de neutralité quand il s’agit de sauver notre espèce ! 

Présenter le journal de 20h n’est pas dans mes objectifs de carrière. Je choque parfois en disant que je me suis radicalisée.

J’emploi ce mot à bon escient et dans le bon sens du terme. J’entends « radical » dans sa signification latine : aller à la racine des choses.

On a besoin de cela, de retour aux racines, aux sources de la vie, être à l’écoute d’une nature qui était là avant nous.

 

 

Je pense souvent à Jean-Paul Sartre quand je me lève le matin et cette phrase me revient :

Si vous ne donnez pas votre vie pour quelque chose, vous finirez par la donner pour rien.

Je n’ai pas le droit de donner ma jeunesse à autre chose qu’à la défense de notre planète. Je n’ai pas le droit d’utiliser mes compétences dans l’unique but de me faire plaisir. Je n’ai pas le temps ! Je serais très mal à l’aise de ne pas essayer de tout faire pour faire avancer même modestement les choses. Je veux pouvoir dire que j’aurai fait tout ce que j’ai pu.

D’où vient cette ultra sensibilité à la nature ?

J’ai été à très bonne école étant petite. Mon grand-père, et mes parents, installés au cœur du Puy-de-Dôme, ont toujours été très attachés à la nature et j’ai été tout de suite « poreuse » à la beauté d’un environnement naturel.

Mon éducation, très sensorielle m’a familiarisée avec le toucher, le goût et avec l’impératif de prendre soin de ce qui nous entoure. J’ai souvent suivi mon grand-père pour l’extraction du miel des abeilles ou bien pour aller pêcher la truite fario dans les rivières du coin. Aujourd’hui il faut les trouver et ce n’est pas évident car elles ont bien disparu !

Ce grand-père aux mille métiers : boulanger/artisan était un amoureux de la nature et m’a transmis cette passion lorsque j’étais encore très jeune.

Très naturellement et lors de mes rencontres professionnelles, j’ai été à l’écoute des experts qui mettaient en évidence la disparition d’espèces et autres problèmes liés à la perte de la biodiversité.

Il faut dire que des émissions comme Ushuaïa et Thalassa ont bercé ma jeunesse, j’étais fascinée.

Vous avez donc décidé d’utiliser votre métier pour défendre vos convictions environnementales?

Oui mais les choses n’ont pas toujours été évidentes, les médias ne m’ont pas toujours écoutée et j’ai parfois été vue comme une sorcière ! Agriculture, eau, climat, biodiversité et leur mise en péril était des sujets jugés anxiogènes et j’ai dû me battre pour en parler il y a quelques années en arrière. Aujourd’hui, les choses évoluent car il y a urgence. Qui n’a pas encore entendu parler de changement climatique ? Il faudrait être sourd. Mais le diagnostic est sévère !

J’ai décidé de faire de la pédagogie en douceur. On peut inspirer pour impulser un changement. Par cette méthode, on peut quand même prendre les choses à contre-pied ! C’est mon angle d’attaque. J’essaye de montrer les liens qui existent entre tous les sujets en amenant de la transversalité dans les rédactions.

Je viens d’ailleurs de lire un article sur les scientifiques du GIEC qui portent un véritable fardeau émotionnel aux vues des constatations climatiques qu’ils font. Eux aussi réagissent par l’inquiétude face à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Leurs enfants sont touchés et n’auront peut être pas d’accessibilité aux ressources dans un avenir proche !

Pourquoi La fondation Landestini ?

Nous avons créé il y a quelques mois la fondation Landestini avec mon mari Henri Landès qui la dirige. Il s’agit d’une ONG (Organisation Non Gouvernementale) qui a pour but l’éducation de la jeunesse à l’alimentation et à la biodiversité.

Nous souhaitons relier l’humain à la terre.

 

Notre projet « Champions de l’alimentation durable » permet de mettre en relation des lycéens français et américains afin de travailler ensembles sur des projets d’agriculture urbaine et d’alimentation saine et durable. Actuellement des lycéens auvergnats interagissent avec des élèves de brooklyn.

En effet, le but est de montrer que l’enjeu est global mais que la solution est locale ! 

Un autre projet met en avant des athlètes de haut niveau qui prônent une façon saine de consommer. Leur aura et notoriété sont des vecteurs d’information très puissants !

Enfin, nous avons créé, au sein de la fondation, un pôle incubateur qui œuvre à la création de nouveau emplois : les emplois de demain qui agissent sur la biodiversité. Des Start Up s’installent, ce sont les métiers d’avenir.

Nos projets sont embryonnaires en cette première année mais en bonne voie. Mon mari qui a dirigé la fondation GoodPlanet de Yann Arthus Bertrand a une belle expérience pour travailler en mode projets.

Perso/Pro ou est la frontière ?

Il n’y a pas de frontières car le combat les dépasse. Nous avons décidé de nous installer dans notre ferme pédagogique en Haute-Loire car nous voulions entrer dans le concret, le vif du sujet ! Depuis la ferme nous continuons nos actions puisque je suis par exemple à l’antenne tous les matins dans la Matinale d’Europe 1 afin d’apporter des réponses mais aussi de casser les idées reçues sur les modes d’exploitation en agriculture par exemple.  Je peux aller plus loin dans mes prises de paroles, je peux vraiment être moi-même !

Avec notre ferme pédagogique en Haute-Loire, nous pouvons parler de ce que nous faisons et faire preuve d’exemplarité. Je suis vraiment dans une dynamique de cohérence avec mes convictions.

Parlons forêts, pouvez-vous nous parler de cet élément indispensable à la biodiversité ?

Tout d’abord, la forêt telle qu’elle se présente à nous n’est pas la même qu’il y a des millénaires.  Les forêts de l’hémisphère nord ne sont pas vieilles comme les forêts primaires que nous trouvons encore dans l’hémisphère sud. Mais elles aussi subissent des dégâts considérables dus aux changements climatiques.

J’ai beaucoup lu autour de l’agroforesterie, de la forêt-jardin et de ce qui peut pousser en lisière de ces dernières. Dans notre jardin permacole, on reproduit ce que l’on trouve en forêt en utilisant de vieilles souches. Le bois se gorge de micro-organismes et champignons et active la formation de l’humus. On peut faire des miracles !

Je m’inspire beaucoup de la forêt, de ses formes de dégradation et de l’efficacité de ses systèmes.

J’apprends également beaucoup sur les champignons et j’avoue que Jacques Marcon (chef triplement étoilé installé à Saint-Bonnet-Le-Froid), m’apprend beaucoup sur le sujet. Il n’est pas doctorant mais a une culture d’expert sur le champignon. Il est ma référence !

Actuellement je souhaite agir pour que la forêt reste vivante et diverse, à des âges différents et éviter un maximum la monoculture.

La forêt vivante doit rester le lieu de la diversité des espèces animales et végétales.

Un souvenir marquant en forêt ?

J’adorais traverser la forêt avec ma jument. Le moment où l’on pénètre la lisière est magique : une rupture avec le monde civilisé. On entre dans un cocon ou tout est feutré.

Je laissais aller ma jument au galop qui était toutefois silencieuse sur le tapis de mousse moelleux. Elle n’était pas ferrée et n’abîmais pas le sol  forestier. C’était magique, nous étions toutes les deux dans un autre univers.

Cette sensation silencieuse est un souvenir prégnant et enveloppant.

Un dernier message à faire passer ?

Je dirais que malgré mes désillusions et un optimisme parfois émoussé, l’humanité a de la ressource et peut trouver des solutions. Puisons dans nos individualités la somme du collectif et regardons le gouffre en face pour agir.

Il faut le faire, nous pouvons encore le faire ensemble !

 

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