Pisciculture quand tu nous tiens !
Il vit entouré de ses 35 étangs parsemés tout autour de sa maison sur pilotis elle même posée dans les Landes à la limite du Gers, dans la région que l’on nomme le Bas Armagnac, Alain Faget élève des poissons depuis plus de 40 ans ! Ce dentiste passionné (aujourd’hui à la retraite) a eu à cœur, durant toute sa carrière, de créer et maintenir un écosystème au milieu de cultures : un oasis au milieu des maïs !
The Forest Time a voulu en savoir un peu plus sur cette pratique exigeante qu’est la pisciculture.
Alain Faget, quand on parle du Gers on pense plutôt à l’élevage de canards non ?
Il y a une forte tradition de pisciculture dans le Bas-Armagnac. Les étangs sont très anciens et remontent, pour certains au XVIIème siècle. Bien avant les chinois, les moines avaient notamment initié l’élevage de carpes et de tanches. Napoléon III, au XIXème, avait fait répertorier cette catégorie de retenue d’eau. Il en existe encore un très grand nombre en France et nous ne sommes pas la région spécifique des étangs. La Brenne ou la Dombes avec son territoire aux milles étangs, sont des régions bien plus réputées notamment sur l’activité de pisciculture. Malgré tout, le Gers a toujours connu des étangs et j’ai tenu à maintenir la tradition.
En Alsace, la carpe est le plat traditionnel des fêtes de Pâques. On retrouve également ce poisson dans les fêtes juives ou bien encore en Allemagne.
Quelle est votre activité exactement? elle semble bien occuper votre retraite !
Effectivement ! C’est un travail qui m’occupe toute l’année car je ne possède pas 1000 étangs mais ce sont 35 étendues d’eau qui entourent ma maison ! Je les entretiens depuis des dizaines d’années avec en plus la gestion d'une dizaine d’étangs pour 100 hectares d’eau.
J’élève des poissons et leur permet de se reproduire puis les vends à des professionnels : sociétés de pêches, pisciculteurs et même à des négociants en poissons d’ornement (poissons rouge), pour qu’ils puissent eux-mêmes poursuivre l’élevage de ces poissons. Je les vends donc vivants.
Quels sont ces poissons ?
Les sociétés de pêche m’achètent généralement des goujons, des gardons, des carpes, des tanches, des brochets... et j’en passe !
Les poissons se reproduisent une fois par an : les brochets en février, le sandre et le gardon en mars-avril, le black bass et les carpes en mai en mai par exemple.
J’élève aussi des poissons pour qu’ils puissent nourrir les autres comme le gardon.
Quel type de culture pratiquez-vous ?
Je pratique la polyculture, c’est à dire que je cultive plusieurs espèces aquatiques dans le même étang. Il comprend ainsi des poissons omnivores (gardons, carpes..) et des poissons piscivores (10%) comme le brochet, la perche, le sandre, le black bass.
Comment procédez-vous ?
Je vidange les étangs en automne, quand il fait froid et je les remplis au printemps, c’est la règle pour la reproduction. Cela maintient un équilibre. Si on ne vidange pas les étangs, les poissons n’ont alors rien à manger. Un étang non vidangé se meurt.
Vidanger permet d’aleviner correctement, de renouveler l’eau et donc de favoriser la reproduction. Nous transportons par camion, dans des cuves, les poissons qui ont été triés par taille (gros, moyens, petits) pour les mettre dans d’autres étangs. Transférer les poissons d’un étang à l’autre demande toute une logistique et beaucoup de matériel que j’ai acheté au fil des ans. Je suis très bien équipé aujourd’hui !
Quel est le danger pour vos élevages ?
Le plus gros prédateur de mes poissons est le cormoran qui se nourrit essentiellement des poissons jusqu’à 500g. Je dois protéger sans relâche ma production. Les cormorans mangent 500g de poissons par jour et sont très malins. Ils arrivent très vite à déjouer les pièges. Depuis leur prolifération, la tanche a quasiment disparu. Cette espèce protégée qu’est le cormoran, n’a pas de prédateurs, elle prolifère. C’est pour moi le plus gros danger.
L’eau c’est en quelque sorte votre second élément ?
Effectivement ! L’eau est un élément essentiel à préserver. J’ai passé ma vie à travailler sur sa qualité. D’ailleurs, depuis que je pratique cette activité de pisciculture, la qualité de l’eau de mes étangs s’est améliorée! Je procède par lagunage en circuit fermé pour la qualité de l’eau de mes étangs. C’est une technique d’épuration où le traitement est assuré par une combinaison de procédés aérobie et anaérobie en impliquant le travail de microorganismes. L’eau est très riche au départ, je la fais tourner en circuit fermé car les étangs se vidangent les uns dans les autres. Puis je réalimente en eau quand le besoin s’en fait sentir. J’ai un droit à l’irrigation de 10 000m³ l’été.
Travailler en bonne intelligence avec la nature c’est votre mot d’ordre ?
Exactement. Je travaille en technique extensive ce qui me différencie des piscicultures intensives dans les Landes (la truite) qui élèvent les poissons de façon très concentrée : 50kg par m³ et qui les nourrissent au granulé. Je suis plutôt de l’ordre de 10g/m³ et mes poissons se nourrissent de zooplancton ! Les carnassiers mangent les poissons malades et la boucle est bouclée !
La transmission, c’est important pour vous ?
Oui c’est essentiel. J’accueille régulièrement une classe de BTS agricole de St Pée sur Nivelle (vers Bayonne) qui vient travailler avec moi sur une journée. Je suis heureux de transmettre mon savoir et de faire perdurer cette vision de la biodiversité.
Vous venez de vendre un étang à Forêt Investissement, pourquoi ?
J’adore mes étangs mais je commence à être à un âge où je ne peux tout faire. La vente de cet étang de 9h était nécessaire pour me soulager un peu même si je me suis engagé auprès de l’acquéreur pour en continuer la gestion ! Cette association qui en a fait l’acquisition souhaite que cet étang reste un milieu naturel. Autour, il y a de la forêt, des près. On y trouve même des tortues !
J’ai été très satisfait de la relation établie avec Forêt Investissement qui a assuré la vente en 3 mois, dans le respect de mes souhaits. L’association qui vient d’acquérir l’étang travaille à la préservation des écosystèmes, c’est important.
Il est difficile de me séparer de cet étang mais je vais continuer à m’en occuper !
Pisciculture quand tu nous tiens !!!